Cette proposition de loi, adoptée par l'Assemblée Nationale, a pour but de « réduire le coût du foncier et à augmenter l'offre de logements accessibles aux Français ». Mais cette proposition qui crée un 3e droit de la propriété, après la nue-propriété et l’usufruit va changer la donne.
Une loi qui sépare le foncier du bâti
Pourquoi une telle loi ? Car le prix du terrain est élevé dans les zones tendues où le foncier représente 40-50 % du cout total. L’idée est d’éviter la spéculation et la flambée des prix.
Nous avons contacté le député Jean-Luc Lagleize pour en savoir plus sur cette loi, voici sa réponse...
Comment vous est venue l’idée de cette proposition de loi ?
En tant que conseiller en gestion de patrimoine et conseiller juridique mais aussi élu à l’agglomération de Toulouse j’ai été confronté au problème de la gentrification des centres-villes qui rejetait loin les classes moyennes. Lors du vote de la loi Elan, j’ai dit au ministre que j’avais une idée complémentaire pour limiter la hausse des prix du foncier. Le Premier ministre m’a demandé un rapport sur ce sujet en avril dernier puis mon groupe parlementaire, le Modem, m’a incité à déposer une proposition de loi en se basant sur celui-ci. Le ministre Julien Denormandie m’a dit banco, on a travaillé ensemble et avec tous les groupes parlementaires.
Votre proposition qui dissocie le foncier du bâti n’est-elle pas « contraire » au droit actuel, à la perception de la propriété en France ?
Non, les députés, les élus peuvent faire évoluer le droit. Il s’agit là de rajouter un nouveau droit de propriété. Il existe déjà le bail emphytéotique à durée limitée mais à la fin des 99 ans, la totalité du bien revient au propriétaire foncier. L’idée est ici que le propriétaire du bâti qui aura un bail de location puisse rester dans les zones tendues, transmettre le bien même après ce délai…
Y-a-t-il des obligations dans la loi comme faire du logement sa résidence principale, interdiction de location ?
Cette loi s’adresse en priorité aux particuliers. On devrait mettre dans le décret d’application le fait que chaque individu ne puisse acheter qu’un seul bien, qui sera sa résidence principale. Mais on va aussi permettre au propriétaire qui est par exemple muté, de pouvoir louer son bien.
Que se passe-t-il en cas de décès du propriétaire ?
Le bail de location du foncier sera prolongé en cas de décès, il est reconductible.
Le bail liant l’organisme et le propriétaire des murs sera-t-il le même bail que celui prévu dans la loi Elan avec les mêmes conditions ?
Non il n’y aura pas de plafond de ressources. Ce sera un système universel, sans aide, pas de subvention de l’Etat… Les offices fonciers libres (OFL) ne seront pas des sociétés privées mais des sociétés 100% publique ou des sociétés d’économie mixtes avec un capital à majorité publique, pour éviter la spéculation. Le foncier ne sera jamais remis sur le marché. Le budget des OFL sera à l’équilibre avec les redevances perçues.
Côté finances dans ce système il faudra payer une redevance pour le foncier. Si la taxe foncière augmente dans une commune, que se passe-t-il alors ?
La redevance sera 1 à 2 euros de redevance par mois et par m2 environ. La taxe foncière sera payée par l’OFL. Bien sûr une partie de la taxe foncière entre en compte dans le calcul de la redevance et en cas de hausse de la taxe foncière, il y aura une répercussion sur la redevance qui va un peu augmenter mais pas beaucoup.
Quand sera adoptée la loi définitivement ?
Elle doit passer au Sénat le premier avril 2020. Je pense qu’il y aura quelques retouches à faire et j’espère que le texte voté au Sénat passera à l’identique à l’Assemblée Nationale à l’automne 2020*.
Que prévoit la loi sur comment dissocier le foncier du bâti ?
Le foncier, un terrain, serait détenu par une société foncière, à capitaux publics et/ou privés, mais à majorité publique, et appelée office foncier libre ou OFL. Ce dernier propose des baux réels libres (BRL) aux propriétaires du bâti (maison…). Ce sont des contrats de location de très longue durée reconductibles et transmissibles. Le texte de loi précise aussi que « les prix de cession seraient préconisés par l’observatoire du foncier, sur le modèle du dispositif d’encadrement des loyers ».
* La loi a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale le 28 novembre 2019. Les travaux de la commission du Sénat avaient débuté en mars 2020 avant d'être stoppés net par l'épidémie de Covid-19. début 2023, la proposition de loi n'est pas encore définitivement adoptée, ni promulguée.
Et ailleurs ça existe déjà…
Ce système existe déjà à Lyon avec les hospices civils ou HCL, en Angleterre, Belgique… Il va être mis en place à Paris courant 2021. La mairie de la capitale s’apprête à mettre sur le marché des logements à 5 000 euros le mètre carré. Les premiers logements vont sortir de terre d’ici 2024, dans un ancien hôpital du 14e arrondissement. Huit bâtiments et 1 000 logements avec un bail réel solidaire sont en projet dans la capitale.
Une révolution juridique et sociétale
Mettre en place ce nouveau droit de propriété sera aussi un vrai changement de mentalité. En effet cette loi ne va pas dans le sens de la tradition française très à cheval sur la propriété, inscrit noir sur blanc dans le code civil dans son article 544 : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Ce droit lie étroitement la propriété du sol et la propriété du bâti.
Rédacteur : Lydie Dabirand
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