
Le gouverneur de l’Acpr François Villeroy de Galhau a indiqué que le Brexit, selon les analyses actuelles, ne fait pas courir de risque pour la stabilité financière mais qu’il faut rester vigilant sur le mécanisme de compensation, l’assurance et la continuité des contrats.
Lors d'une conférence économique à Paris le 23 novembre, le gouverneur de l’Acpr a indiqué dans son discours d'ouverture que le Brexit, selon les analyses actuelles, ne fait pas courir de risque pour la stabilité financière mais qu’il faut rester vigilant sur le mécanisme de compensation, l’assurance et la continuité des contrats.
Les responsables des autorités financières et de régulation présents l’ont aussi répété plusieurs fois : « il faut se préparer à toutes les éventualités même les pires ! » Les pires, c’est-à-dire pas d’accord du tout. Le Brexit aura en effet des effets en France sur les entreprises financières, les contrats…
Une histoire de passeports
En cas de non accord les entreprises anglaises financières perdraient leur passeport, ce droit financier donné par les autorités de régulation pour exercer dans un pays de l’Union. Les grosses structures ont déjà anticipé le cas mais l’AMF a des craintes concernant les plus petites (les demandes commencent à affluer à la structure).
Le problème est plus du côté anglais car du côté français le nombre de passeport vers le Royaume-Uni est faible. Certes le nombre d’investisseurs anglais avec un passeport semble petit (50 dans l’assurance, 2700 pour la banque) mais le risque est surtout à long terme pour la continuité des contrats souscrits par des Français. Une des solutions serait de transférer les contrats à une entité française, mais « qui ne doit pas être une coquille vide mais des structures localisées en France avec du personnel, un exécutif ».
Attention toutefois en cas de non accord, si vous vous rendez en Angleterre les frais bancaires liés aux cartes de crédit et de débit devraient augmenter.
L’avenir des contrats notamment d’assurance
Les contrats d’assurance sont aussi dans le viseur de l’institution, notamment en ce qui concerne la protection des clients français qui ont souscrit avec une entreprise britannique. Des questions se posent sur leur validité, leur continuité…
Guy Canivet, président du haut comité juridique de la place financière de Paris (HCJP), a expliqué que les contrats conclus avant le référendum anglais continueraient après le Brexit, sans interruption. Le problème vient surtout de la nature du contrat. « Si celui-ci est régi par la loi anglaise, des questions vont se poser. S’il n’y a pas de nouveaux services ou de nouvelles prestations liées au contrat, celui-ci continue mais dans le cas contraire le contrat est empêché. On se pose la question notamment sur la reconduction tacite des contrats dans le secteur des assurances », a indiqué Guy Canivet. Devant ces incertitudes, celui-ci conseille aux Français qui ont un contrat régi par la loi anglaise de le changer avant la date du Brexit, le 30 mars prochain.
Le suivi de la compensation des dérivés inquiète
Autre point d’inquiétude, le mécanisme de compensation qui consiste à tenir la comptabilité des échanges entre acteurs financiers sur le marché mondial et à garantir la bonne réalisation des transactions entre les opérateurs. Des chambres de compensation existent et elles sont en très grande majorité… à Londres.
En cas de Brexit sans accord avec l'UE et en l'absence de mesures particulières, le président de l’Acpr a parlé de risque pour la stabilité du système financier. La France voudrait le maintien à court terme d'un régime dit « d'équivalence », permettant sous certaines conditions aux chambres de compensation britanniques de continuer de fournir ces services. « Mais cette solution devrait clairement rester temporaire, sur une durée limitée à une grosse année », a-t-il ajouté. Il a notamment parlé pour l’avenir du « développement à Paris d'une offre de services de compensation renforcée et complétée dans le domaine des produits dérivés de taux d'intérêt ».
Un effet sur l’immobilier parisien
Le Brexit a aussi des effets concrets notamment dans l’immobilier parisien. Certaines grandes banques, des institutions financières ont décidé de quitter Londres et de s’installer à Paris. Qui dit installation, dit personnel qui déménage. Et cela fait grimper les prix de l’immobilier de luxe notamment à Paris. Depuis l'annonce du Brexit, de nombreux Français de Londres et expatriés européens viennent ou rentrent à Paris.
Un coût important pour le Royaume-Uni en cas de non accord
L'UE et le Royaume-Uni se sont entendus fin novembre sur un projet d'accord de retrait de près de 600 pages, qui doit répondre aux interrogations sur le départ du Royaume-Uni.
La banque d’Angleterre a envisagé le scénario d’absence d’accord et l’a chiffré : l’institution financière prévoit alors un effondrement de 25% du cours de la monnaie anglaise, un PIB qui baisserait de 7.8%, un chômage en hausse de 7.5% tout comme l’inflation à 6.5% tandis que les prix de l’immobilier baisseraient de 30% et les taux d’intérêt augmenteraient fortement. Même en cas d’accord le PIB pourrait baisser de 1.2 à 3.8%.
La Banque centrale anglaise parle même d’un choc plus violent encore que la crise financière de 2008 ou les chocs pétroliers de 1970. La banque a chiffré le coût à 100 milliards de livres perdus en 12 ans, soit plus que la contribution du pays au budget de l’Union Européenne.
Rédacteur : Lydie Dabirand